Gaz et pétrole :

jusqu’à quand ?

     Du mardi 5 au jeudi  7 avril a eu lieu à Pau (64), le Sommet MCE Deepwater Development (MCEDD). Il a rassemblé les décideurs stratégiques des marchés du gaz et du pétrole en eaux profondes. Total accueillait les hauts responsables de Shell, Exxon, Repsol, BP, etc. Objectif déclaré : discuter de l’avenir de l’industrie pétrolière et gazière opérant en mer  afin de « mettre en commun toutes les compétences permettant la réduction des coûts et l’augmentation de l’exploitation du pétrole et du gaz. » Voilà qui est clair.

450 militants climat survoltés

     C’est pourquoi, des centaines de militants de plusieurs organisations (1) se sont mobilisés durant trois jours, à Pau, pour perturber le sommet des forages offshore. Et ce fut réussi. Le sommet se tenait au palais Beaumont, centre de congrès accolé au casino. Mais au camp "Sirène" installé une semaine avant sur le site d’Emmaüs, les opposants s’étaient organisés : entraînement au programme et installation de matelas pour offrir un peu de repos aux militants. Dès l’ouverture du sommet ils multiplient les perturbations : déploiement de banderoles, blocages d’entrées du palais des Congrès, cornes de brume, militants menottés aux attachés-cases des congressistes, chaîne humaine, occupation des différentes voies d’accès ont contraint plus de 70 congressistes à rester à l’extérieur, tandis que d’autres enjambaient les corps étendus des militants sur la chaussée. Les forces de l’ordre ont repoussé, gazé et matraqué les écologistes mais ne sont pas toujours parvenus à leur faire quitter le site.

     Pour le groupe Bizi, à l’origine de la création du mouvement Alternatiba, « La crise écologique actuelle […] nous confronte aux limites de la Terre. L’économie capitaliste et notre modèle de développement productiviste sont construits sur le pillage des ressources et la mise en concurrence des individus, des populations, des États. Cette logique a sérieusement mis à mal notre planète et ses grands équilibres, et menace désormais l’avenir même de nos sociétés et d’une partie importante du monde vivant. Les enjeux sont clairs, ils sont connus, ils sont chiffrés. »

Laisser les fossiles dans le sol

     « Les études s’accumulent mais l’inaction l’emporte » écrit Maxime Combes dans son livre Sortons de l’âge des fossiles (2). On sait que les émissions de gaz à effet de serre sont dues, à 67%, à la combustion d’énergie fossile. Selon une dernière étude de deux chercheurs américains, aucune nouvelle infrastructure liée aux énergies fossiles (centrales à charbon ou au gaz, puits de pétrole, fracturation terrestre ou en eaux profondes) ne devra être construite à partir de 2018 pour rester sous la barre des 2°C, en cessant toute extraction d’énergie carbonée en 2050.  Il faudrait renoncer à extraire 80% du charbon connu, 50% des réserves identifiées du gaz, un tiers de celles de pétrole.

     Et pourtant les multinationales poursuivent leurs explorations, leurs investissements, elles parient sur la non réalisation des prévisions des scientifiques indépendants du GIEC. 78% de la production d’hydrocarbures de Total provient de l’offshore, dont 30 % de l’offshore profond. L’Europe envisage d’investir massivement dans de nouvelles infrastructures, ce qui l’amènera, de surcroît, à gaspiller dans les énergies fossiles des financements qui ne seront pas disponibles pour la transition énergétique. Les ONG et mouvements pour le climat sont bien décidés à se faire entendre.

(1) Alternatiba, Amis de la Terre, ANV-COP21, Attac, Bizi !, Chrétiens Unis pour la Terre, Friends of the Earth International, Nation Océan, Surfrider Foundation Europe, Village Emmaus Lescar-Pau, 350.org

(2) Sortons de l’âge des fossiles – Manifeste pour la transition, Anthropocène, Seuil, Octobre 2015.

[Merci à Bizi ! pour les photos de la mobilisation de Pau]

Prochaines mobilisations contre les énergies fossiles et fissiles:

==>  Le 21 avril, à Paris, pour bloquer le Oil International Summit
 ==> Du 4 au 16 mai prochain, partout dans le monde, pour les journées d’actions "Breakfree - Libérons-nous des combustibles fossiles" - avec, notamment, des actions de blocage d’une mine de charbon en Allemagne, du 13 au 16 mai.
 ==> À l’automne, pour de nombreuses actions de blocages d’infrastructures liées aux combustibles fissiles et une journée de mobilisation contre l’EPR de Flamanville.

Les engagements des pays du monde entier  lors de la COP 21 semblent bien loin déjà !

Cécile Marchand d’ANV-COP21 (Action Non-violente)  explique : « Après la COP21, il y a des objectifs comme celui du MCEDD qu’on ne peut plus tolérer. Puisque les grandes multinationales continuent leurs politiques extractivistes criminelles et que les autorités les laissent faire et même, les protègent, ce sont aujourd’hui les citoyens qui entrent en scène pour s’y opposer et faire appliquer les engagements de l’Accord de Paris. ». « Ce sommet illustre les limites des engagements volontaires et non contraignants tels que ceux qui sont consignés dans l’Accord de Paris » analyse Maxime Combes, économiste, d’Attac France.

Plate-forme pétrolière en feu