Enfin, l'Eure-et-Loir se réveille, une Nuit debout a eu lieu1, non pas à Chartres où il faudrait sonner le tocsin pour réveiller la bourgeoisie catholique qui a relégué les classes populaires en bordure de la ville ou dans sa banlieue et qui ne sauraient investir le centre ville en pleine semaine; non plus à Châteaudun, ville particulièrement endormie où dès sept heures du soir, les rideaux de fer sont tirés, les lumières des bars éteintes. Quant aux quartiers populaires, la ville les a parqués non pas derrière le périph, mais derrière la voie ferrée sur des hauteurs presque inaccessibles.
Non, la ville qui a ébloui la nuit, la ville rebelle du département, c'est celle de Nogent-le-Rotrou. Oh, ce n'était pas une marée humaine qui a déferlé sur la place Saint-Pol en contrebas de la mairie, ni une foule dense et joyeuse, tout au plus une centaine de personnes qui sont venues doucement, une par une, quand la nuit commençait à tomber pour se regrouper sur la place et assister à la projection du film Merci patron ! de François Ruffin qui fait un tabac partout où il passe. Des prises de parole au préalable pour parler du fond de l'air qui pourrait bien se réchauffer d'un coup au mois de mai dans une convergence de luttes. Quelques plantons à képi au fond de l'esplanade, mais rien de méchant.
Bien sûr, on peut regretter que les habitants des quartiers populaires ne soient pas venus, mais ils doivent se lever tôt le lendemain matin. On espère les voir la prochaine fois, car il y en aura une de prochaine fois, pas plus tard que dimanche prochain 1er mai ou 31 avril si l'on se réfère au calendrier révolutionnaire de Nogent2. Et ce soir-là, la foule grossira peut-être.
En tout cas, pour une première Nuit debout dans une bourgade de province, l'essai est réussi. Le second ne le sera pas moins.
W.P.
Notes de la rédaction :
1. Le 28 avril, au soir de la journée de manifestations pour le retrait de la loi El Khomri.
2. Comme à Paris, la numérotation continue à partir de la date de la première Nuit debout.
