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Questions aux Humains


     



     Les œuvres de l’exposition de Gérard Rancinan n’ont assurément rien à voir avec l’ersatz produit par son assistante censé célébrer Jean-Pierre Gorges avec l’affiche de ses vœux 2016. [voir notre article ICI] Réutilisant et réinterprétant les symboles, personnages ou compositions de l’histoire picturale, il lance un cri d’alarme sur le devenir de notre Terre et de l’espèce humaine.

Si Rancinan est d’abord photographe (avant de s’engager dans une carrière artistique, il fut photo-reporter) et si ce qui nous est présenté ce sont des photographies (très grand format), il compose ses images comme un peintre avec le souci que le moindre détail soit significatif. Effet souhaité ou pas, la surface des photos agit comme un miroir pour intégrer le spectateur dans les affres de notre monde contemporain.


Arrêtons-nous sur quelques œuvres.


D’abord deux allusions limpides à des drames qui se répètent aux quatre coins du monde. Dans « Scène de marché », l’artiste a représenté un ange punk comme crucifié sur un étal de fruits dévasté. Les pastèques éclatées tels des crânes ou laissant se répandre leurs entrailles nous font songer aux massacres aveugles d’Irak, d’Afghanistan ou d’Israël / Palestine. Dans « Heroes », un ange aux stigmates christiques apparaît, barbelés en mains, dans la brèche d’un mur ou des doigts errants ont écrit « Free Thinker ». Nous pourrions être en Palestine, au Mexique ou à Gibraltar, entre autres.


Deux œuvres plus totalisantes nous confrontent aux fondamentaux du monde. « Terre des Hommes » présente encore un ange dans la position du crucifié au milieu de déchets et de barils Texaco ou Shell dont le brut coule d’une plaie au torse ou macule les rochers et la robe blanche d’une Marie-Madeleine douce mais impuissante. « La Tempête » met en scène un jeune ange punk allongé sous les ramures, la tête pendante au milieu de fruits vermeils (raisins, pommes…), une blessure rouge au côté gauche. Et un crâne, digne d’une vanité baroque, côtoie les fruits et un globe terrestre bien peu sphérique.


Le tryptique du « Messager » (ci-dessous) pose clairement une question. L’ange annonciateur est représenté en lévitation au-dessus d’une terre dénudée, sans  vie, dans trois âges : jeune il serre les poings de détermination, dans la force de l’âge il porte un espoir d’envol, vieilli il est incertain du message qu’il porte.

Toute l’incertitude du devenir humain se retrouve dans « Bird of Life » où un ange paré en personnage carnavalesque aux vives couleurs danse au bord du précipice…  Même  questionnement dans une installation vidéo où une multitude d’écrans montre une perpétuelle et laborieuse tentative de redressement et de rechute. L’Ange, allégorie du genre humain, va-t-il succomber, se relever, sombrer ?


On le constate la vision de Rancinan n’est pas extrêmement optimiste. Il ne peut que mettre en garde son petit-fils dans des lettres ouvertes dans l’exposition (ci-contre) : « Que sommes nous si ce n’est cet animal sauvage, cette bête autodestructrice […], peut-être la plus cruelle, la plus barbare d’entre tous […] ». Mais, avec l’âge  semble s’imposer « l’espoir de voir domptée cette barbarie. »


On ne reprochera pas à Rancinan de ne jamais envisager la solidarité des Humains pour sortir de cette barbarie. Son œuvre pose tellement, et si  fortement, de questions qu’elle appelle à la réflexion et à la prise de conscience.


Chacun pourra avoir une interprétation différente, se focaliser sur d’autres photos que celles décrites ici mais l’important est de s’y confronter. Ne pas laisser passer l’occasion de voir une si importante exposition à Chartres.


J.C.


PS : L’entrée de l’exposition est gratuite.


Gérard Rancinan à Shanghai en 2014

(Photo Wikimedia Commons, Totovince)